30.06.05
Jeudi 30 juin
Logique de l’anéantissement
Il m’a été donné de vivre hier en fin de journée une expérience terrible. Je rentrais en taxi après une nouvelle journée plus que fatigante passée au studio dans une chaleur que la canicule qui sévit actuellement dans le Sud de l’Europe ne peut même pas approcher.
J’étais affalé à l’arrière de la voiture lorsque celle-ci a stoppé à un croisement comme seules les routes indiennes savent concevoir. Là, comme d’habitude, une nuée de vendeurs en tout genre accompagnés d’enfants laveurs de pare-brise est apparue. En tant qu’étranger, j’ai été immédiatement repéré et la voiture s’est trouvée entourée et frottée en tout sens.
Désormais rompu à ces pratiques, j’ai porté en souriant la main à ma poche pour distribuer quelques billets mais… j’avais changé de pantalon et laissé l’argent dans l’autre ! J’ai alors tenté de faire comprendre à un petit garçon de peut-être 8 ans, qui s’acharnait sur la vitre de ma portière, que je n’avais rien à lui donner…
Peine perdue, plus je lui faisais signe plus il s’activait, plus il s’activait et moins nous bougions. Ces minutes m’ont paru interminables… Devant mes simagrées, il s’est finalement arrêté et a simplement porté la main vers sa bouche dans une mimique universelle qui stigmatisait sa faim, déjà évidente tant il était maigre.
Je pensais à mon petit garçon de 8 ans à moi et je me sentais le type le plus nul de la Terre, le plus incapable, le plus vide. Venir produire une série sur les Droits de l’Enfant ici et ne même pas avoir quelque argent à donner dans la vraie vie à un petit garçon qui se trouvait là, à moins de 10 centimètres de moi, pitoyable !
Moi, pas lui…
Un policier invisible s’étant enfin décidé à relâcher cette masse compacte qui s’était accumulée en nombre, ma voiture s’est mise en mouvement et j’ai regardé une dernière fois ce petit Max (Le prénom de mon fils de 8 ans) indien…
Que croyez-vous qu’il fît ?
…
Il m’a souri et a fait au revoir avec sa main ! Un grand sourire aux lèvres qui a découvert des dents déjà abîmées…
Je suis rentré me cacher dans le confort de mon hôtel et j’ai pleuré. On ne peut pas s’habituer à cela, on ne peut pas accepter ces différences, on ne peut pas vivre en faisant semblant de ne pas savoir que cela existe.
Plus tard dans la nuit, je me suis réveillé et j’ai pris cette photo qui correspondait à mon sentiment d’anéantissement, sa gentillesse avait crucifié mon impuissance à l’aider…
Logique de l’anéantissement :
L’occidental est d’abord nu dans sa voiture qui traverse la misère derrière le confort de vitres bien fermées (Nu parce que la carrosserie, ses beaux habits, la vitesse, rien ne peut le protéger de sa conscience...)
La voiture s’arrête, la pureté de l’enfant le rattrape et brûle sa prétention
Lorsqu’il n’y a plus rien à brûler, que reste-t-il ?
A la fin, reste-t-il vraiment quelque chose ?
A demain…
P.S : Il faudra que je vous parle un jour d’un projet que j’ai dans la tête depuis des années et qui aiderait beaucoup de gens à se sentir mieux, eux sans doute et moi sûrement ! Parce que l’on a plus le droit de dire que l’on ne sait pas… et si l’on sait et que l’on ne fait pas…
by Manuel at 03:12:51
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Commentaire de: Clara
Merci pour votre sensibilité et votre présence. Je ne vous connais pas et pourtant j'ai l'impression que si, je viens tous les jours me ressourcer chez vous parce que j'avais l'impressuion qu'il y avait un être humain de l'autre côté.
Maintenant, j'en suis sûre...
01.07.05 @ 19:42
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