13.11.04
Samedi 13 novembre
Les huisseries craquent car dehors le Mistral se déchaîne, les arbres décrivent des paraboles étonnantes sur fond de ciel d’un bleu qui glace, tant il est pur et transparent. Je suis encore ému de la journée d’hier, le 12 novembre restera toujours pour moi une date particulière, c’est le 12 novembre 1980 que ma mère est morte et c’est le 12 novembre 1996 que j’ai appris que j’allais être père pour la troisième fois. Comment gérer des sentiments aussi contrastés ?
Cela fait 24 ans que je n’ai plus vécu de 12 novembre sans larmes, larmes de tristesse, larmes de joie, larmes de vie… Quand je regarde Maxence, le troisième, le fameux photographe qui a déjà son blog tant il aime immortaliser des images qui, sans lui et sans son œil, se perdraient, mon cœur s’illumine et cette lueur me renvoie à celle qui est partie et dont je crois avoir été éclaboussé cet été…
Larmes d’un peuple lors de l’enterrement de Yasser Arafat, ferveur si intense que j’en ai été bouleversé. Je ne peux pas expliquer pourquoi je pensais à ma mère et à sa cérémonie à elle, à ce froid méchant qui faisait écho à ce ciel genevois si gris, à ce silence qui ouvrait la porte de l’oubli. Quelques instants plus tard, ma mère serait rayée du monde et il continuerait à fonctionner comme s’il elle n’avait jamais existé.
Sa souffrance, cette odieuse maladie, ce sacré putain de bordel de merde de cancer qui aura mis 5 années à la détruire, tout serait jeté, piétiné, annulé. Les 49 années de vie de ma mère allaient être rayées du rôle des vivants et même pas inscrites à celui des défunts, annihilée on vous dit !
Les années ont passé et la fameuse lumière est réapparue, d’abord dans les yeux de mes fils puis comme une fluorescence au coin de l’âme qui nécessiterait obscurité et calme pour être aperçue, mais qui serait toujours là.
Et j’ai compris ou bien cru avoir compris, elle n’avait pas été rayée puisque j’avais pleuré pour elle, puisque j’avais crié pour elle, puisque je m’étais révolté, puisque j’avais insulté ce destin incompréhensible et si injuste qui avait été le sien, la porte ne s’était pas refermée, elle n’avait pas été jetée dans les poubelles de l’histoire des hommes.
Hier, j’étais avec ceux qui criaient sur la place, pas parce que mon unique rencontre avec celui qui partait m’avait donné une quelconque légitimité mais parce qu’ils témoignaient de leur amour pour lui, parce qu’il refusait de donner quittance à ce parcours inachevé, parce qu’ils reprenaient le flambeau et hurlaient leur reconnaissance qu’il ait permis à leurs cœurs de battre.
C’était magnifique et tragique, les pharaons partaient avec leurs serviteurs et leur mobilier, Yasser Arafat est parti avec l’amour inconditionnel de son peuple et le Prix Nobel de la Paix…
A propos, avec quoi pensez-vous que va partir son voisin ? Le souvenir de Sabra et Chatila peut-être…
by Manuel at 10:41:11
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