19.05.05
Jeudi 19 mai
Alors manuel ou pas ?
Notre société promeut, avec une constance que l’on ne peut pas lui dénier, un modèle « intellectuel » de réussite sociale versus ce qu’elle présente comme une alternative pour les moins doués d’entre nous : les activités manuelles !
Au vu du nom que je porte et du premier métier que j’ai appris – dont je suis d’ailleurs très fier – cette échelle de valeurs me semble être un dévoiement dangereux d’une des plus belles avancées récentes de notre monde occidental.
Je m’explique…
Pendant des siècles et des siècles, la majeure partie de la population représentait un réservoir quasi inépuisable de main d’œuvre à coût proche de zéro. Corvéable à merci, les pauvres trimaient jusqu’à l’épuisement pour payer aux riches et aux puissants une dîme sonnante et trébuchante ou donnaient leur temps pour accomplir toute sorte de travaux dont le point commun était leur pénibilité extrême.
L’homme étant une créature fragile et faible, la mécanisation est venue à sa rescousse sans que l’on puisse vraiment savoir quel était la motivation profonde de cette évolution, l’humanisme ou l’appât du gain ?
Doucement, péniblement, l’homme occidental a quitté son statut de bête de somme pour accéder à des tâches plus élaborées dans lesquelles son intelligence a été plus utilisée ; mais le mouvement n’a été ni rapide, à l’échelle d’une vie, ni pleinement satisfaisant puisque son moteur n’était pas l’accomplissement individuel mais la performance de groupe.
Cette « libération » progressive de nos aïeuls a fondé un mythe, celui de « l’homo administrativus », celui de l’être supérieur dont les mains vont rester immaculées journée faisant sans parler d’un front sec de toute sueur !
En parallèle, toute activité manuelle a été reléguée au rang d’issue de secours pour les simplets et les incompétents. Les seules prestations humaines échappant à ce jugement étant celles dont il était admis qu’elles nécessitaient un cerveau, soit par exemple les artistiques et les médicales…
Le résultat de cette dérive est que les adolescents d’aujourd’hui ont une grille d’évaluation des filières et des métiers possibles gravement connotée, aucun capable de faire des études ne penserait à devenir charpentier, électricien ou comme votre serviteur pour mon premier diplôme décorateur.
Quel dommage !
Ayant fréquenté beaucoup de milieux différents, ayant suivi plusieurs formations, ayant plusieurs fois changé de « métier », je peux vous assurer qu’il y a souvent plus d’intelligence en jeu pour résoudre ça :
Que pour remplir des papiers ou saisir des informations dont on se contrefiche à titre personnel sur un clavier d’ordinateur !
L’être humain fait bien ce qu’il aime bien faire, pourquoi ce principe reconnu de tous n’est-il pas à la base du choix de son métier ? Une femme et un homme heureux, accomplis, donneront plus à leur famille et à la communauté à laquelle ils appartiennent qu’un col blanc frustré qui compte ses heures de présence.
Vous vous imaginez la satisfaction et la fierté du maçon qui a construit ce mur ?
Dans le coin de pays de mon adolescence, il y avait une formule : « L’intelligence de la main… », CQFD !
A demain…
by Manuel at 07:39:24
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